Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/471

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foule. Jamais encore les murs n’avaient résonné de toux si opiniâtres, de si grosses voix indistinctes. Et Pierre, gagné par l’insomnie, se retournait en sursaut, se relevait, avec la continuelle idée que ce devait être M. de Guersaint qui rentrait. Pendant quelques minutes, il tendait fiévreusement l’oreille, il n’entendait que les rumeurs extraordinaires du couloir, où il ne distinguait rien de précis. Était-ce, à gauche, le prêtre, la mère et ses trois filles, le ménage de vieilles gens, qui se battaient avec les meubles ? ou était-ce plutôt, à droite, l’autre famille si nombreuse, l’autre monsieur seul, la jeune dame seule, que d’incompréhensibles événements jetaient dans les aventures ? Un instant, il sauta de son lit, il voulut visiter la chambre vide de son compagnon absent, certain qu’il s’y passait des choses violentes. Mais il eut beau écouter, il ne saisit plus, derrière la cloison mince, que le murmure tendre de deux voix, d’une légèreté de caresse. Le brusque souvenir de madame Volmar lui revint, et il retourna se coucher, frissonnant.

Enfin, Pierre, au grand jour, s’endormait, lorsque des coups rudes, frappés dans sa porte, le firent sursauter. Cette fois, il ne se trompait pas, une forte voix criait, étranglée par l’angoisse :

— Monsieur l’abbé ! monsieur l’abbé ! de grâce, éveillez-vous !

C’était décidément M. de Guersaint qu’on rapportait mort, pour le moins. Effaré, il courut ouvrir, en chemise, et se trouva devant M. Vigneron, son voisin.

— Oh ! de grâce, monsieur l’abbé, habillez-vous vite ! On a besoin de votre saint ministère.

Alors, il raconta qu’il venait de se lever pour regarder l’heure à sa montre, posée sur la cheminée, quand il avait entendu des soupirs atroces sortir de la chambre voisine, où était couchée madame Chaise. Elle avait laissé la porte de communication ouverte, par gentillesse, afin