Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/503

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas qu’elle me gêne, au fond. Et puis, il faut bien que tout le monde vive.

Dans la salle à manger, les enfants venaient de casser un des bols, au milieu de cris assourdissants. Et Pierre remarquait de nouveau les gravures de sainteté, la sainte Vierge de plâtre, dont le coiffeur avait décoré la pièce, pour être agréable à ses locataires. Une voix cria, du premier étage, que la malle était fermée et que le garçon serait bien gentil de la ficeler, quand il rentrerait.

Mais Cazaban, devant ces deux messieurs qu’il ne connaissait point en somme, restait méfiant, gêné, la cervelle hantée d’hypothèses inquiétantes. Cela le désespérait de les laisser partir ainsi, sans savoir rien d’eux, après s’être compromis lui-même. Si encore il avait pu rattraper ses paroles trop vives contre les pères ! Aussi, lorsque M. de Guersaint se leva pour se laver le menton, céda-t-il à son besoin de renouer l’entretien.

— Avez-vous entendu parler du miracle d’hier ? La ville en est bouleversée, plus de vingt personnes me l’ont raconté déjà… Oui, il paraît qu’ils ont obtenu un miracle extraordinaire, une jeune demoiselle paralytique qui s’est levée et qui a traîné son chariot jusque dans le chœur de la Basilique.

M. de Guersaint, en train de se rasseoir après s’être essuyé, eut un rire complaisant.

— Cette jeune demoiselle est ma fille.

Alors, sous ce brusque coup de lumière heureuse, Cazaban rayonna. Rassuré, il acheva de donner un coup de peigne magistral, au milieu de l’exubérance de gestes et de paroles qui lui revenait.

— Ah ! monsieur, je vous félicite, je suis flatté de vous avoir eu entre les mains… Du moment que mademoiselle votre fille est guérie, n’est-ce pas ? cela suffit à votre cœur de père.