Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/548

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Il parlait de ses chères mortes. Puis, doucement, très attendri :

— Adieu !

— Pas adieu, mon bon docteur, au revoir !

— Si, si, adieu… Le Commandeur avait raison, voyez-vous. Il n’y a rien d’aussi bon que de mourir, mais pour revivre.

Le baron Suire donnait l’ordre d’enlever les drapeaux blancs, en tête et en queue du train. Plus impérieux, les cris des employés continuaient : « En voiture ! en voiture ! » Et c’était la bousculade suprême, le flot des attardés s’affolant, arrivant en nage, hors d’haleine. Dans le wagon, madame de Jonquière et sœur Hyacinthe comptaient leur monde. La Grivotte, Élise Rouquet, Sophie Couteau étaient bien là. Madame Sabathier s’était assise à sa place, en face de son mari, qui, les yeux à demi clos, attendait patiemment le départ.

Mais une voix demanda :

— Et madame Vincent, elle ne repart donc pas avec nous ?

Sœur Hyacinthe, qui se penchait, échangeant encore un sourire avec Ferrand, debout au seuil du fourgon, s’écria :

— La voici !

Madame Vincent traversait les voies, accourait, la dernière, essoufflée, hagarde. Et, tout de suite, d’un coup d’œil involontaire, Pierre regarda ses bras. Ils étaient vides.

Toutes les portières se refermaient maintenant, claquaient les unes après les autres. Les wagons étaient pleins, il n’y avait plus que le signal à donner. Soufflante, fumante, la machine jeta un premier coup de sifflet, d’une allégresse aiguë ; et, à cette minute, le soleil, voilé jusque-là, dissipa la nuée légère, fit resplendir le train, avec cette machine toute en or, qui semblait partir