Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/575

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lampe de son compartiment. Il n’y avait plus là qu’une ombre vague, des corps indistincts parmi des objets sans nom, à peine des apparences, qu’un souffle de tempête, une fuite furieuse charriait sans fin au fond des ténèbres. Et elle se méfia aussi de cette campagne noire, dont l’inconnu défilait aux deux côtés du train, sans qu’on pût même savoir quelles forêts, quelles rivières, quelles collines on traversait. Tout à l’heure, des étincelles vives avaient paru, peut-être des forges lointaines, des lampes tristes de travailleurs ou de malades ; mais, de nouveau, la nuit coulait profonde, la mer obscure, infinie, innomée, où l’on était toujours plus loin, ailleurs et nulle part.

Marie, alors, prise d’une pudique confusion, rougissante au milieu de ses pleurs, mit ses lèvres à l’oreille de Pierre.

— Écoutez, mon ami… Il y a un grand secret entre la sainte Vierge et moi. Je lui avais juré de ne le dire à personne. Mais vous êtes trop malheureux, vous souffrez trop, et elle me pardonnera, je vais vous le confier.

Puis, dans un souffle :

— Pendant la nuit d’amour, vous savez, la nuit d’extase brûlante que j’ai passée devant la Grotte, je me suis engagée par un vœu, j’ai promis à la sainte Vierge de lui faire le don de ma virginité, si elle me guérissait… Elle m’a guérie, et jamais, vous entendez, Pierre ! jamais je n’épouserai personne.

Ah ! quelle douceur inespérée ! il crut qu’une rosée tombait sur son pauvre cœur meurtri. Ce fut un charme divin, un soulagement délicieux. Si elle n’était à aucun autre, elle serait donc un peu à lui toujours. Comme elle avait compris son mal, et ce qu’il fallait dire, pour lui rendre l’existence possible encore !

Il voulut, à son tour, trouver des paroles heureuses, la remercier, promettre que, lui aussi, ne serait jamais qu’à