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II


Là-haut, à Montmartre, la petite maison que, depuis tant d’années, Guillaume occupait avec les siens, si calme, si laborieuse, attendait tranquillement dans la pâle journée d’hiver.

Après le déjeuner, Guillaume, très abattu, songeant que, de trois semaines peut-être, il ne pourrait rentrer chez lui, par prudence, eut l’idée d’envoyer Pierre là-haut, pour conter et expliquer les choses.

— Écoute, frère, il faut que tu me rendes ce service. Va leur dire la vérité, que je suis ici blessé peu gravement, et que je les prie de ne pas venir me voir, dans la crainte qu’on ne les suive et qu’on ne découvre ma retraite. À la suite de ma lettre d’hier soir, ils finiraient par être inquiets, si je ne leur donnais des nouvelles.

Puis, cédant à la préoccupation, à l’unique peur qui, depuis la veille, troublait son clair regard :

— Tiens ! fouille dans la poche droite de mon gilet… Prends une petite clé, bon ! et tu la remettras à madame Leroi, ma belle-mère, en lui disant que, s’il m’arrivait malheur, elle fasse ce qu’elle doit faire. Cela suffit, elle comprendra.

Un instant, Pierre avait hésité. Mais il le vit si épuisé par ce léger effort, qu’il le fit taire.

— Ne parle plus, reste tranquille. Je vais aller rassurer les tiens, puisque tu désires que ce soit moi qui me charge de la commission.

Cette démarche lui coûtait à ce point, que, dans le premier moment, il avait eu la pensée de voir si l’on ne