Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/159

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Elle changea de nouveau, redevint sérieuse, en se hâtant de le faire entrer dans le couloir. Puis, la porte refermée :

— Vous nous apportez de ses nouvelles… Je vous demande pardon de vous recevoir ainsi. Nos bonnes viennent de finir un savonnage, et je m’assurais, derrière elles, si l’ouvrage était bien fait… Tenez ! excusez-moi encore et veuillez entrer ici un moment. Il est peut-être préférable que je sache la première.

Elle l’avait mené à gauche, près de la cuisine, dans une pièce qui servait de buanderie. Un cuvier y était plein d’eau savonneuse, pendant que le linge, jeté sur des barres de bois, ruisselait.

— Alors, Guillaume ?

Très simplement, Pierre dit la vérité, son frère blessé au poignet, un hasard qui l’avait rendu témoin de l’accident, puis son frère réfugié chez lui, à Neuilly, désirant qu’on l’y laissât se guérir en paix, sans même l’y venir voir. Tout en contant ces choses, il en suivait l’effet sur le visage de Marie, d’abord l’effroi et la pitié, ensuite un effort pour se calmer et juger sainement. Elle finit par dire :

— Hier soir, sa lettre m’avait glacée, j’étais certaine de quelque malheur. Mais il faut bien être brave et ne pas montrer sa peur aux autres… Blessé au poignet, pas une blessure grave, n’est-ce pas ?

— Non. Une blessure pourtant qui va demander de grandes précautions.

Elle le regardait bien en face, de ses grands yeux francs, qui plongeaient dans les siens, pour l’interroger jusqu’au fond de l’être, tandis qu’elle retenait visiblement les vingt questions qui se pressaient sur ses lèvres.

— Et c’est tout, il a été blessé dans un accident, il ne vous a pas chargé de nous en dire plus long ?

— Non, il désire simplement que vous ne vous inquiétiez pas.