Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/242

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faisant ressortir ce que cette initiative charitable prise par la baronne, qui donnait son temps, son argent, jusqu’à son hôtel, offrait d’attendrissant, de noble, de généreux, après l’abominable crime qui avait failli réduire cet hôtel en poudre. N’était-ce pas la magnanime réponse d’en haut aux passions exécrables d’en bas ? et quelle réponse péremptoire à ceux qui accusaient la bourgeoisie capitaliste de ne rien faire pour les travailleurs, les blessés et les impotents du salariat !

Les portes des salons devaient s’ouvrir à deux heures, pour ne se fermer qu’à sept, cinq heures pleines de vente. Et, à midi encore, pendant que rien n’était terminé au rez-de-chaussée, que des ouvriers et des femmes finissaient de décorer les comptoirs, de classer les marchandises, au milieu de la bousculade dernière, il y avait, comme les autres jours, dans les petits appartements du premier étage, un déjeuner intime où quelques amis étaient conviés. Ce qui venait de mettre au comble l’effarement de la maison, c’était que, le matin même, Sanier avait repris, dans la Voix du Peuple, sa campagne de dénonciation, au sujet de l’affaire des Chemins de fer africains. Il demandait, en phrases d’une virulence empoisonnée, si l’on comptait amuser longtemps le bon public avec l’histoire de cette bombe et de cet anarchiste, que la police n’arrêtait pas. Et, cette fois, il nommait carrément le ministre Barroux comme ayant touché une somme de deux cent mille francs, il s’engageait à publier prochainement les trente-deux noms des sénateurs et des députés corrompus. Mège allait donc reprendre sûrement son interpellation, qui devenait dangereuse, dans l’énervement où la terreur anarchiste jetait Paris. D’autre part, on disait que Vignon et son parti étaient résolus à un effort considérable, pour profiter des circonstances et renverser le ministère. Toute une crise s’annonçait, inévitable, redoutable. Heureusement, la Chambre ne sié-