Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/316

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le ministère était battu le lendemain. Sans qu’ils eussent dit nettement la chose, le plan était de laisser tomber Barroux, de l’y aider même, puis de s’employer à repêcher Monferrand dans l’eau trouble. Ce dernier, vis-à-vis des deux autres, se liait, ayant besoin d’eux, de la souveraineté financière du baron, surtout de la campagne que le directeur du Globe pouvait faire en sa faveur ; de même que ceux-ci, en dehors de la question Silviane, avaient besoin de lui, de l’homme de gouvernement à la forte poigne, qui promettait d’enterrer le scandale des Chemins de fer africains, en faisant nommer une commission d’enquête dont il tiendrait les fils. Et l’entente fut bientôt complète entre les trois hommes, car rien ne rapproche plus étroitement qu’un intérêt commun, la peur et le besoin qu’on a les uns des autres. Aussi, lorsque Duvillard parla de l’affaire de Dutheil, de la jeune dame que ce dernier recommandait, le ministre déclara que c’était chose faite. Un bien gentil garçon, Dutheil, comme il en faudrait beaucoup ! Il fut aussi convenu que le futur gendre de Chaigneux aurait sa place. Ce pauvre Chaigneux, si dévoué, toujours prêt à se charger d’une commission, et qui avait la vie si dure avec ses quatre femmes !

— Eh bien, c’est entendu !

— C’est entendu !

— C’est entendu !

Et Monferrand, Duvillard et Fonsègue se serrèrent vigoureusement la main.

Puis, comme le premier accompagnait les deux autres jusqu’à la porte, il aperçut, dans l’antichambre, un prélat, à la soutane fine, bordée de violet, qui causait debout avec un prêtre.

Le ministre tout de suite s’empressa, l’air désolé.

— Ah ! monseigneur Martha, vous attendiez !… Entrez, entrez vite.