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IV


Pierre étant retourné le lendemain à Montmartre, y souffrit tellement, que, de deux jours, il n’y reparut pas. Il s’enferma chez lui, où personne ne voyait sa fièvre. Et, un matin, comme il était au lit encore, désespéré, sans force, il eut la surprise et l’embarras de voir entrer son frère Guillaume.

— Il faut bien que je me dérange, puisque tu nous abandonnes… Je viens te chercher pour que tu assistes avec moi à l’affaire de Salvat, qu’on juge aujourd’hui. J’ai eu bien de la peine à m’assurer deux places… Allons, lève-toi, nous déjeunerons dehors et nous serons là-bas de bonne heure.

Lui-même paraissait soucieux, préoccupé, hanté d’une inquiétude qui l’assombrissait ; et, comme son frère se hâtait de s’habiller, il l’interrogea.

— Est-ce que tu as quelque chose à nous reprocher ?

— Mais rien ! Quelle idée as-tu là ?

— Alors, pourquoi cesses-tu de venir ? On te voyait chaque jour, et tout d’un coup tu disparais.

Pierre chercha vainement un mensonge, acheva de se troubler.

— J’ai eu du travail ici… Enfin, que veux-tu ? mes idées noires me reprenaient, je n’avais que faire d’aller vous attrister tous.

Guillaume eut un geste brusque.

— Si tu crois que ton absence nous égaie !… Marie, toujours si bien portante, si heureuse, a eu une telle migraine avant-hier, qu’elle a dû garder la chambre.