Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/567

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lueur, dans tout ce noir, n’était qu’une étoile immobile et triste. Il s’approcha, pour voir l’heure à sa montre. Trois heures cinq minutes. Il avait près d’une heure à attendre, étant sans hâte, exact en sa résolution. Et il s’assit sur une pierre, il ne bougea plus, d’une patience tranquille. La bougie éclairait son pâle visage, son grand front en forme de tour, couronné de cheveux blancs, toute cette face énergique que ses yeux éclatants et ses moustaches restées brunes faisaient encore belle et jeune. Pas un de ses traits ne remuait, il regardait le vide. À cette minute suprême, quelles pensées traversaient son crâne ? Et pas un frisson, la nuit pesante, le silence éternel et profond de la terre.

Alors, Pierre, domptant les battements de son cœur, s’avança. Au bruit des pas, Guillaume s’était levé, menaçant. Mais, tout de suite, il reconnut son frère, il ne parut pas étonné.

— Ah ! c’est toi, tu m’as suivi… Je sentais bien que tu avais mon secret. Et c’est un chagrin pour moi que tu en abuses, en venant me rejoindre… Tu aurais dû m’éviter cette peine dernière.

Pierre joignit ses mains tremblantes, voulut le supplier tout de suite.

— Frère, frère…

— Non, ne parle pas encore. Si tu le désires absolument, je t’écouterai plus tard. Nous avons à nous près d’une heure, nous pouvons causer… Mais je voudrais que tu comprisses l’inutilité de tout ce que tu crois avoir à me dire. Ma résolution est formelle, je l’ai discutée longtemps, je ne vais agir que selon ma raison et ma conscience.

Et, de son air tranquille, il conta comment, décidé à un grand acte, il avait longtemps hésité sur le choix du monument qu’il détruirait. L’Opéra l’avait un moment tenté ; puis, l’ouragan de colère et de justice balayant ce petit