Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/114

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attendu, le pape destiné à faire de l’Italie la grande nation souveraine.

— Eh bien ! voici mon malheur… Votre Éminence connaît mon frère Agostino, qui a été pendant deux ans jardinier chez elle, à la villa. Certainement, c’est un garçon très gentil, très doux, dont jamais personne n’a eu à se plaindre… Alors, on ne peut pas s’expliquer de quelle façon, il lui est arrivé un accident, il a tué un homme d’un coup de couteau, à Genzano, un soir qu’il se promenait dans la rue… J’en suis tout à fait contrarié, je donnerais volontiers deux doigts de ma main, pour le tirer de prison. Et j’ai pensé que Votre Éminence ne me refuserait pas un certificat disant qu’elle a eu Agostino chez elle et qu’elle a été toujours très contente de son bon caractère.

Nettement, le cardinal protesta.

— Je n’ai pas été content du tout d’Agostino. Il était d’une violence folle, et j’ai dû justement le congédier parce qu’il vivait constamment en querelle avec les autres domestiques.

— Oh ! que Votre Éminence me chagrine, en me racontant cela ! C’est donc vrai que le caractère de mon pauvre petit Agostino s’était gâté ! Mais il y a moyen de faire les choses, n’est-ce pas ? Votre Éminence peut me donner un certificat tout de même, en arrangeant les phrases. Cela produirait un si bon effet, un certificat de Votre Éminence devant la justice !

— Oui, sans doute, reprit Boccanera, je comprends. Mais je ne donnerai pas de certificat.

— Eh quoi ! Votre Éminence révérendissime refuse ?

— Absolument !… Je sais que vous êtes un prêtre d’une moralité parfaite, que vous remplissez votre saint ministère avec zèle et que vous seriez un homme tout à fait recommandable, sans vos idées politiques. Seulement, votre affection fraternelle vous égare, je ne puis mentir pour vous être agréable.