Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/117

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Très ému à cette pensée d’ennemis cachés, le poursuivant dans l’ombre, le jeune prêtre s’écria :

— Oh ! dénoncé, dénoncé ! si Votre Éminence savait combien ce mot me gonfle le cœur ! Et dénoncé pour des crimes à coup sûr involontaires, puisque j’ai voulu uniquement, ardemment le triomphe de l’Église… C’est donc aux genoux du Saint-Père que je vais aller me jeter et me défendre.

Boccanera, brusquement, se redressa. Un pli dur avait coupé son grand front.

— Sa Sainteté peut tout, même vous recevoir, si tel est son bon plaisir, et vous absoudre… Mais, écoutez-moi, je vous conseille encore de retirer votre livre de vous-même, de le détruire simplement et courageusement, avant de vous lancer dans une lutte où vous aurez la honte d’être brisé… Enfin, réfléchissez.

Immédiatement, Pierre s’était repenti d’avoir parlé de sa visite au pape, car il sentait une blessure pour le cardinal, dans cet appel à l’autorité souveraine. D’ailleurs, aucun doute n’était possible, celui-ci serait contre son œuvre, il n’espérait plus que faire peser sur lui par son entourage, en le suppliant de rester neutre. Il l’avait trouvé très net, très franc, au-dessus des obscures intrigues qu’il commençait à deviner autour de son livre ; et ce fut avec respect qu’il le salua.

— Je remercie infiniment Votre Éminence et je lui promets de penser à tout ce qu’elle vient d’avoir l’extrême bonté de me dire.

Pierre, dans l’antichambre, vit cinq ou six personnes qui s’étaient présentées pendant son entretien, et qui attendaient. Il y avait là un évêque, un prélat, deux vieilles dames ; et, comme il s’approchait de don Vigilio, avant de se retirer, il eut la vive surprise de le trouver en conversation avec un grand jeune homme blond, un Français, qui s’écria, saisi lui aussi d’étonnement :