Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moi. Il a levé les bras au ciel, il s’est emporté, en criant qu’on ne le consultait jamais, que maintenant la sottise était faite, et qu’il était absolument impossible d’arrêter le procès, du moment que la congrégation se trouvait saisie, à la suite des dénonciations les plus autorisées, lancées pour les motifs les plus graves… Enfin, comme il le disait, la sottise était faite, et j’ai dû songer à autre chose…

Mais il s’interrompit. Il venait d’apercevoir les yeux ardents de Pierre fixés sur les siens, tâchant de comprendre. Une imperceptible rougeur rosa son teint davantage, tandis que, très à l’aise, il continuait sans laisser voir sa contrariété d’en avoir trop dit :

— Oui, j’ai songé à vous aider de toute ma faible influence, pour vous tirer des ennuis où cette affaire va sûrement vous mettre.

Un souffle de rébellion souleva Pierre, dans la sensation obscure qu’on se jouait de lui peut-être. Pourquoi donc n’aurait-il pas affirmé sa foi, qui était si pure, si dégagée de tout intérêt personnel, si brûlante de charité chrétienne ?

— Jamais, déclara-t-il, je ne retirerai, je ne supprimerai moi-même mon livre, comme on me le conseille. Ce serait une lâcheté et un mensonge, car je ne regrette rien, je ne désavoue rien. Si je crois que mon œuvre apporte un peu de vérité, je ne puis la détruire, sans être criminel envers moi-même et envers les autres… Jamais ! entendez-vous, jamais !

Il y eut un silence. Et il reprit presque aussitôt :

— C’est aux genoux du Saint-Père que je veux faire cette déclaration. Il me comprendra, il m’approuvera.

Nani ne souriait plus, la figure immobile et comme fermée désormais. Il sembla étudier curieusement la subite violence du prêtre, qu’il s’efforça ensuite de calmer par sa bienveillance tranquille.

— Sans doute, sans doute… L’obéissance et l’humilité