Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/215

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a presque tout de suite entaché la doctrine de Jésus, cette volonté de domination, ce désir de la gloire terrestre qui ont fait le triomphe du catholicisme, au mépris des humbles et des purs, des fraternels et des simples du christianisme primitif.

Alors, tout d’un coup, Pierre, sous une illumination brusque, vit la vérité éclater et se résumer en lui, au moment où, pour la seconde fois, il faisait le tour de l’immense basilique, en admirant les tombeaux des papes. Ah ! ces tombeaux ! Là-bas, dans la Campagne rase, sous le plein soleil, aux deux bords de la voie Appienne, qui était comme l’entrée triomphale de Rome, conduisant l’étranger au Palatin auguste, ceint d’une couronne de palais, se dressaient les gigantesques tombeaux des puissants et des riches, d’une splendeur d’art, d’une magnificence sans pareille, qui éternisait dans le marbre l’orgueil et la pompe d’une race forte, dominatrice des peuples. Puis, près de là, sous la terre, en pleine nuit discrète, au fond de misérables trous de taupe, se cachaient les autres tombeaux, les petits, les pauvres, les souffrants, sans art ni richesse, dont l’humilité disait qu’un souffle de tendresse et de résignation avait passé, qu’un homme était venu prêcher la fraternité et l’amour, l’abandon des biens de cette vie pour les éternelles joies de la vie future, confiant à la terre nouvelle le bon grain de son Évangile, semant l’humanité rajeunie qui allait transformer le vieux monde. Et voilà que de cette semence enfouie dans le sol durant des siècles, voilà que de ces tombeaux si humbles, si inconnus, où les martyrs dormaient leur doux sommeil, en attendant le réveil glorieux, voilà que d’autres tombeaux encore avaient poussé, aussi géants, aussi fastueux que les antiques tombeaux détruits des idolâtres, dressant leurs marbres parmi les splendeurs païennes d’un temple, étalant le même orgueil surhumain, la même passion affolée de domination universelle. À la Renaissance, Rome redevient païenne, le vieux sang