Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/265

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orné d’un chiffre d’or, où il prit deux cartes, une verte, une rose, qu’il remit au jeune prêtre.

— Ah ! si vous saviez comme on se les dispute !… Vous vous rappelez, ces deux dames françaises, qui se meurent du désir de voir le Saint-Père. Je n’ai pas voulu trop insister pour leur obtenir une audience, elles ont dû se contenter, elles aussi, des cartes que je leur ai données… Oui, le Saint-Père est un peu las. Je viens de le trouver jauni, fiévreux. Mais il a tant de courage, il ne vit que par l’âme.

Son sourire reparut, avec sa moquerie à peine perceptible.

— C’est là un grand exemple pour les impatients, mon cher fils… J’ai appris que l’excellent monsignor Gamba del Zoppo n’a rien pu pour vous. Il ne faut pas vous en affliger outre mesure. Me permettez-vous de répéter que cette longue attente est sûrement une grâce que vous fait la Providence, en vous renseignant, en vous forçant à comprendre des choses que vous autres, prêtres de France, vous ne sentez malheureusement pas, quand vous arrivez à Rome ? Et peut-être cela vous évitera-t-il des fautes… Allons, calmez-vous, dites-vous que les événements sont dans la main de Dieu et qu’ils se produiront à l’heure fixée par sa souveraine sagesse.

Il tendit sa jolie main, souple et grasse, une douce main de femme, mais dont l’étreinte avait la force d’un étau de fer. Et il monta dans sa voiture, qui l’attendait.

Justement, la lettre que Pierre avait reçue du vicomte Philibert de la Choue, était un long cri de rancune et de désespoir, à l’occasion du grand pèlerinage international du Denier de Saint-Pierre. Il écrivait de son lit, cloué par une affreuse attaque de goutte, et il ne pouvait venir. Mais ce qui mettait le comble à sa peine, c'était que le président du comité, chargé naturellement de présenter le pèlerinage au pape, se trouvait être le baron de Fouras, un de ses adversaires acharnés du vieux parti catholique