Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/313

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Serafina, le rendez-vous fut définitivement fixé au lendemain, dix heures. En partant, Celia regretta vivement de ne pouvoir en être. Mais elle, avec sa candeur fermée de lis en bouton, ne s’intéressait qu’à la Pierina. Aussi, dans l’antichambre, se pencha-t-elle à l’oreille de son amie.

— Cette beauté, regarde-la bien, ma chère, pour me dire si elle est belle, très belle, plus belle que toutes.

Le lendemain, à neuf heures, lorsque Pierre retrouva Narcisse près du Château Saint-Ange, il s’étonna de le voir retombé dans son enthousiasme d’art, langoureux et pâmé. D’abord, il ne fut plus du tout question des quartiers nouveaux, ni de l’effroyable catastrophe financière qu’ils avaient provoquée. Le jeune homme raconta qu’il s’était levé avec le soleil, pour aller passer une heure devant la Sainte Thérèse du Bernin. Quand il ne l’avait pas vue depuis huit jours, il disait en souffrir, le cœur gros de larmes, comme de la privation d’une maîtresse très aimée. Et il avait des heures pour l’aimer ainsi, différemment, à cause de l’éclairage : le matin, de tout un élan mystique de son âme, sous la lumière d’aube qui l’habillait de blancheur ; l’après-midi, de toute la passion rouge du sang des martyrs, dans les rayons obliques du soleil couchant, dont la flamme semblait ruisseler en elle.

— Ah ! mon ami, déclara-t-il de son air las, les yeux noyés de mauve, ah ! mon ami, vous n’avez pas idée de son troublant et délicieux réveil, ce matin… Une vierge ignorante et pure, et qui, brisée de volupté, ouvre languissamment les yeux, encore pâmée d’avoir été possédée par Jésus… Ah ! c’est à mourir !

Puis, se calmant, au bout de quelques pas, il reprit de sa voix nette de garçon pratique, très d’aplomb dans la vie :

— Dites donc, nous allons nous rendre tout doucement aux Prés du Château, dont vous apercevez les constructions