Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/327

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et intellectuelle dont elle ne paraissait plus capable. En tout cas, des années et des années seraient indispensables. Et, alors, comment peupler les maisons finies et vides, qui n’attendaient que des locataires ? Pour qui terminer les maisons restées à l’état de squelette, s’émiettant au soleil et à la pluie ? Elles demeureraient donc indéfiniment là, les unes décharnées, ouvertes à toutes les bises, les autres closes, muettes comme des tombes, dans la laideur lamentable de leur inutilité et de leur abandon ? Quel terrible témoignage sous le ciel splendide ! Les nouveaux maîtres de Rome étaient mal partis, et s’ils savaient maintenant ce qu’il aurait fallu faire, oseraient-ils jamais défaire ce qu’ils avaient fait ? Puisque le milliard qui était là semblait définitivement gâché et compromis, on se mettait à souhaiter un Néron de volonté démesurée et souveraine, prenant la torche et la pioche, et brûlant tout, rasant tout, au nom vengeur de la raison et de la beauté.

— Ah ! reprit Narcisse, voici la contessina et le prince.

Benedetta avait fait arrêter la voiture à un carrefour des rues désertes ; et, par ces larges voies, si calmes, pleines d’herbes, faites pour les amoureux, elle s’avançait au bras de Dario, tous les deux ravis de la promenade, ne songeant plus aux tristesses qu’ils étaient venus voir.

— Oh ! quel joli temps, dit-elle gaiement en abordant les deux amis. Voyez donc ce soleil si doux !… Et c’est si bon de marcher un peu à pied, comme dans la campagne !

Dario, le premier, cessa de rire au ciel bleu, à la joie présente de promener sa cousine à son bras.

— Ma chère, il faut pourtant aller visiter ces gens, puisque tu t’entêtes à ce caprice, qui va sûrement nous gâter la belle journée… Voyons, il faut que je me retrouve. Moi, vous savez, je ne suis pas fort pour me reconnaître dans les endroits où je n’aime pas aller… Avec ça, ce quartier est imbécile, avec ces rues mortes,