Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/328

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ces maisons mortes, où il n’y a pas une figure dont on se souvienne, pas une boutique qui vous remette dans le bon chemin… Je crois que c’est par ici. Suivez-moi toujours, nous verrons bien.

Et les quatre promeneurs se dirigèrent vers la partie centrale du quartier, faisant face au Tibre, où un commencement de population s’était formé. Les propriétaires tiraient parti comme ils le pouvaient des quelques maisons terminées, ils en louaient les logements à très bas prix, ne se fâchaient pas lorsque les loyers se faisaient attendre. Des employés nécessiteux, des ménages sans argent s’étaient donc installés là, payant à la longue, arrivant toujours à donner quelques sous. Mais le pis était qu’à la suite de la démolition de l’ancien ghetto et des percées dont on avait aéré le Transtévère, de véritables hordes de loqueteux, sans pain, sans toit, presque sans vêtements, s’étaient abattues sur les maisons inachevées, les avaient envahies de leur souffrance et de leur vermine ; et il avait bien fallu fermer les yeux, tolérer cette brutale prise de possession, sous peine de laisser toute cette épouvantable misère étalée en pleine voie publique. C’était à ces hôtes effrayants que venaient d’échoir les grands palais rêvés, les colossales bâtisses de quatre et cinq étages, où l’on entrait par des portes monumentales, ornées de hautes statues, où des balcons sculptés, que soutenaient des cariatides, allaient d’un bout à l’autre des façades. Les boiseries des portes et des fenêtres manquaient, chaque famille de misérables avait fait son choix, fermant parfois les fenêtres avec des planches, bouchant les portes à l’aide de simples haillons, occupant tout un étage princier, ou préférant des pièces plus étroites, pour s’y entasser à son goût. Des linges affreux séchaient sur les balcons sculptés, pavoisaient de leur immonde détresse ces façades d’avortement, souffletées dans leur orgueil. Une usure rapide, des souillures sans nom dégradaient déjà les belles constructions blanches, les rayaient,