Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/342

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de vanité flattée, de molle existence acceptée. Quand ils n’étaient ni maçons, ni menuisiers, ni boulangers, ils étaient domestiques, ils servaient les prêtres, à la solde plus ou moins directe de la papauté. De là, les deux partis tranchés : les anciens carbonari, devenus des mazziniens et des garibaldiens, les plus nombreux sûrement, l’élite du Transtévère ; puis, les clients du Vatican, tous ceux qui vivaient de l’Église, de près ou de loin, et qui regrettaient le pape roi. Mais, de part et d’autre, cela restait à l’état d’opinion dont on causait, sans que jamais l’idée s’éveillât d’un effort à faire, d’une chance à courir. Il aurait fallu une brusque passion balayant la solide raison de la race, la jetant à quelque courte démence. À quoi bon ? La misère venait de tant de siècles, le ciel était si bleu, la sieste valait mieux que tout, aux heures chaudes ! Et un seul fait semblait acquis, le fond de patriotisme, la majorité certaine pour Rome capitale, cette gloire reconquise, à ce point qu’une révolte avait failli éclater dans la cité Léonine, lorsque le bruit avait couru d’un accord entre l’Italie et le pape, ayant pour base le rétablissement du pouvoir temporel sur cette cité. Si la misère pourtant semblait avoir grandi, si l’ouvrier romain se plaignait davantage, c’était qu’il n’avait vraiment rien gagné aux travaux énormes qui s’étaient, pendant quinze ans, exécutés chez lui. D’abord, plus de quarante mille ouvriers avaient envahi sa ville, des ouvriers venus du Nord pour la plupart, qui travaillaient à bas prix, plus courageux et plus résistants. Puis, lorsque lui-même avait eu sa part dans la besogne, il avait mieux vécu, sans faire d’économies ; de sorte que, lorsque la crise s’était produite et qu’on avait dû rapatrier les quarante mille ouvriers des provinces, lui s’était retrouvé comme devant, dans une ville morte, où les ateliers chômaient, sans espoir de se faire embaucher de longtemps. Et il retombait ainsi à son antique indolence, satisfait au fond que trop de travail ne le bousculât plus, faisant de nouveau le meilleur ménage possible avec sa