Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/379

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de la sorte, si humble, si tremblante d’adoration, dans sa royale beauté. Au lieu de la gronder, de la chasser, ainsi qu’il en avait la mission, il se montra très doux et très gai, lui parla des siens comme si rien ne s’était passé, s’arrangea de manière à prononcer le nom du prince, pour lui faire entendre qu’il serait sur pied avant quinze jours. D’abord, elle avait eu un sursaut, farouche, méfiante, prête à fuir. Puis, quand elle eut compris, des larmes jaillirent de ses yeux, et toute riante cependant, bienheureuse, elle lui envoya un baiser de la main, elle lui cria : « Grazie, grazie ! Merci, merci ! », en se sauvant à toutes jambes. Jamais il ne la revit.

Et ce fut aussi un matin que Pierre, comme il allait dire sa messe à Sainte-Brigitte, sur la place Farnèse, eut la surprise de rencontrer Benedetta sortant de cette église, de si bonne heure, une toute petite fiole d’huile à la main. Elle n’eut d’ailleurs aucun embarras, elle lui expliqua que, tous les deux ou trois jours, elle venait obtenir du bedeau quelques gouttes de l’huile qui alimentait la lampe brûlant devant une antique statue de bois de la Madone, en qui elle avait une absolue confiance. Elle avouait même qu’elle n’avait de confiance qu’en celle-là, car elle n’avait jamais rien obtenu, quand elle s’était adressée à d’autres, pourtant très réputées, des Madones de marbre et même d’argent. Aussi une dévotion ardente, toute sa dévotion en réalité, brûlait-elle dans son cœur pour cette image sainte qui ne lui refusait rien. Et elle affirma très simplement, comme une chose naturelle, hors de discussion, que c’étaient ces quelques gouttes d’huile, dont elle frottait matin et soir la plaie de Dario, qui déterminaient une guérison si prompte, tout à fait miraculeuse. Pierre, saisi, désolé d’une religion si enfantine chez cette admirable créature de sagesse, de passion et de grâce, ne se permit pas un sourire.

Chaque soir, en rentrant de ses promenades, lorsqu’il venait passer une heure dans la chambre de Dario convalescent,