Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/413

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Don Vigilio eut un léger hochement de tête.

— Oui, oui, je sais.

Alors, Pierre lui expliqua que, monsignor Nani lui ayant fait dire par la contessina d’agir, de voir tout le monde, pour défendre son livre, il était fort embarrassé, ignorant dans quel ordre régler ses visites, d’une façon utile. Par exemple, devait-il avant tout aller voir monsignore Fornaro, le prélat consulteur chargé du rapport sur son livre, dont on lui avait dit le nom ?

— Ah ! s’écria don Vigilio frémissant, monsignore Nani est allé jusque-là, il vous a livré le nom !… Ah ! c’est plus extraordinaire encore que je ne croyais !

Et, s’oubliant, s’abandonnant à sa passion :

— Non, non ! ne commencez pas par monsignor Fornaro. Allez d’abord rendre une visite très humble au préfet de la congrégation de l’Index, à Son Éminence le cardinal Sanguinetti, parce qu’il ne vous pardonnerait pas d’avoir porté à un autre votre premier hommage, s’il le savait un jour…

Il s’arrêta, il ajouta à voix plus basse, dans un petit frisson de sa fièvre :

— Et il le saurait, tout se sait.

Puis, comme s’il eût cédé à une brusque vaillance de sympathie, il prit les deux mains du jeune prêtre étranger.

— Mon cher monsieur Froment, je vous jure que je serais très heureux de vous être bon à quelque chose, parce que vous êtes une âme simple et que vous finissez par me faire de la peine… Mais il ne faut pas me demander l’impossible. Si vous saviez, si je vous confiais tous les périls qui nous entourent !… Pourtant, je crois pouvoir vous dire encore aujourd’hui de ne compter en aucune façon sur mon maître, Son Éminence le cardinal Boccanera. À plusieurs reprises, devant moi, il a désapprouvé absolument votre livre… Seulement, celui-là est un saint, un grand honnête homme, et s’il ne vous défend