Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/426

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tant d’innocence. La congrégation est un tribunal, et elle ne peut agir que si on la saisit de l’affaire. Votre livre est poursuivi, parce qu’on l’a dénoncé, tout simplement.

— Oui, je sais, dénoncé !

— Mais sans doute, la plainte a été portée par trois évêques français, dont vous me permettrez de taire les noms, et il a bien fallu que la congrégation passât à l’examen de l’œuvre incriminée.

Pierre le regardait, effaré. Dénoncé par trois évêques, et pourquoi, et dans quel but ?

Puis, l’idée de son protecteur lui revint.

— Voyons, le cardinal Bergerot m’a écrit une lettre approbative, que j’ai mise comme préface en tête de mon livre. Est-ce que cela n’était pas une garantie qui aurait dû suffire à l’épiscopat français ?

Finement, monsignor Fornaro hocha la tête, avant de se décider à dire :

— Ah ! oui, certainement, la lettre de Son Éminence, une très belle lettre… Je crois cependant qu’elle aurait beaucoup mieux fait de ne pas l’écrire, pour elle, et surtout pour vous.

Et, comme le prêtre, dont la surprise augmentait, ouvrait la bouche, voulant le presser de s’expliquer :

— Non, non, je ne sais rien, je ne dis rien… Son Éminence le cardinal Bergerot est un saint que tout le monde révère, et s’il pouvait pécher, il faudrait sûrement n’en accuser que son cœur.

Il y eut un silence. Pierre avait senti s’ouvrir un abîme. Il n’osa insister, il reprit avec quelque violence :

— Enfin, pourquoi mon livre, pourquoi pas les livres des autres ? Je n’entends pas à mon tour me faire dénonciateur, mais que de livres je connais, sur lesquels Rome ferme les yeux, et qui sont singulièrement plus dangereux que le mien !