Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/440

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naître encore au bout de vingt-cinq ans de réveil et de liberté. Et qui accepterait cela, non pas parmi les esprits révolutionnaires, mais parmi les esprits religieux, de quelque culture et de quelque largeur ? Tout croulait dans l’enfantin et dans l’absurde.

Le silence était profond, et Pierre, que ces réflexions bouleversaient, eut un geste désespéré, en regardant don Vigilio muet devant lui. Un moment, tous deux se turent, dans l’immobilité de mort qui montait du vieux palais endormi, au milieu de cette chambre close que la lampe éclairait d’une calme lueur. Et ce fut don Vigilio qui se pencha, le regard étincelant, qui souffla dans un petit frisson de sa fièvre :

— Vous savez, au fond de tout, ce sont eux, toujours eux.

Pierre, qui ne comprit pas, s’étonna, un peu inquiet de cette parole égarée, tombée là sans transition apparente.

— Qui, eux ?

— Les Jésuites !

Et le petit prêtre, maigri, jauni, avait mis dans ce cri la rage concentrée de sa passion, qui éclatait. Ah ! tant pis, s’il faisait une nouvelle sottise ! le mot était lâché enfin ! Il eut pourtant un dernier coup d’œil de défiance éperdue, autour des murs. Puis, il se soulagea longuement, dans une débâcle de paroles, d’autant plus irrésistible, qu’il l’avait plus longtemps refoulée au fond de lui.

— Ah ! les Jésuites, les Jésuites !… Vous croyez les connaître, et vous ne vous doutez seulement pas de leurs œuvres abominables ni de leur incalculable puissance. Il n’y a qu’eux, eux partout, eux toujours. Dites-vous cela, dès que vous cessez de comprendre, si vous voulez comprendre. Quand il vous arrivera une peine, un désastre, quand vous souffrirez, quand vous pleurerez, pensez aussitôt : « Ce sont eux, ils sont là. » Je ne suis pas sûr qu’il n’y en a pas un sous ce lit, dans cette armoire… Ah ! les