Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/474

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comme s’il craignait qu’on ne la lui reprît, pendant son absence.

Il éclata d’un beau rire, s’égayant tout seul à plaisanter ainsi l’âge héroïque et démodé de l’indépendance. Puis, il ajouta :

— Il me parlait encore de vous hier, monsieur l’abbé. Il s’étonne de ne pas vous avoir revu.

Cela chagrina Pierre, car il s’était mis à aimer Orlando d’une tendresse respectueuse. Deux fois, depuis la première visite, il était retourné le saluer ; et, à chaque fois, le vieillard avait refusé de causer de Rome, tant que son jeune ami n’aurait pas tout vu, tout senti, tout compris. Plus tard, il serait temps, lorsque l’un et l’autre pourraient conclure.

— Je vous en prie, s’écria Pierre, veuillez lui dire que je ne l’oublie pas et que si ma visite se fait attendre, c’est que je désire le satisfaire. Mais je ne partirai pas sans aller lui dire combien j’ai été touché de son accueil.

Tous deux continuaient à marcher lentement, par la route montante, au milieu des quelques villas nouvelles, dont plusieurs n’étaient même pas achevées. Et, lorsque Prada sut que le prêtre était venu pour se présenter chez le cardinal Sanguinetti, il eut un nouveau rire, son rire de loup aimable, qui découvrait ses dents blanches.

— C’est vrai, il est ici, depuis que le pape est souffrant… Ah ! vous allez le trouver dans un bel état de fièvre !

— Pourquoi donc ?

— Mais parce que les nouvelles de la santé du Saint-Père ne sont pas bonnes, ce matin. Quand j’ai quitté Rome, le bruit courait qu’il avait passé une nuit affreuse.

Il s’était arrêté à un coude de la route, devant une antique chapelle, une petite église, d’une grâce solitaire et triste, à la lisière d’un bois d’oliviers. Et, tout à côté, se trouvait une masure tombant en ruine, l’ancienne cure sans