Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/480

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en se souvenant de la mauvaise humeur du domestique de Rome, qui lui avait déconseillé le voyage, Son Éminence n’aimant pas à être dérangée, quand elle était souffrante. À la vérité, il n’était guère question de maladie, car tout souriait, tout luisait dans cette aimable villa, inondée de soleil. Le salon d’attente, où l’on venait de le laisser seul, meublé d’un affreux meuble de velours rouge, n’avait ni luxe ni confort ; mais il était égayé par la plus belle lumière du monde, et il donnait sur cette extraordinaire Campagne, si plate, si nue, d’une beauté sans égale, toute de rêve, dans le continuel mirage du passé. Aussi, en attendant d’être reçu, alla-t-il se planter à une des fenêtres, grande ouverte sur un balcon, émerveillé, parcourant des yeux la mer sans fin des herbages, jusqu’aux blancheurs lointaines de Rome, que dominait le dôme de Saint-Pierre, une petite tache étincelante, à peine large comme l’ongle du petit doigt.

Il s’oubliait là, lorsque le bruit d’une conversation, dont les mots lui arrivaient très nets, le surprit. Il se pencha, il finit par comprendre que c’était Son Éminence elle-même, debout sur le balcon voisin, qui causait avec un prêtre, dont il voyait seulement un bout de soutane. Tout de suite, d’ailleurs, il avait reconnu Santobono. Son premier mouvement fut de se retirer, par discrétion ; et puis, les paroles qu’il entendit le retinrent.

— Nous allons savoir dans un instant, disait Son Éminence de sa voix grasse. J’ai envoyé Eufemio à Rome, je n’ai de confiance qu’en lui. Et voici le train qui le ramène.

En effet, un train arrivait par la plaine vaste, petit encore, tel qu’un jouet d’enfant. Ce devait être pour le guetter que Sanguinetti était venu s’accouder à la balustrade du balcon. Et il restait là, les yeux sur Rome, au loin.

Santobono prononça passionnément quelques mots, que Pierre entendit mal. Mais, tout de suite, le cardinal reprit, distinctement :