Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/482

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venaient d’en descendre, Pierre distinguait un petit abbé, dont la soutane battait les cuisses, tant il marchait vite. C’était l’abbé Eufemio, le secrétaire du cardinal. Quand il eut aperçu celui-ci au balcon, il lâcha tout respect humain, il se mit à courir, pour gravir la rue en pente.

— Ah ! voici Eufemio ! s’écria Son Éminence, frémissante d’anxiété. Nous allons savoir, nous allons savoir enfin !

Le secrétaire s’était engouffré sous la porte, et il dut monter si vivement, que Pierre, presque aussitôt, le vit traverser hors d’haleine le salon d’attente, où il se trouvait, puis disparaître dans le cabinet du cardinal. Celui-ci avait quitté le balcon pour aller à la rencontre de son messager ; mais il y revint, au milieu de questions, d’exclamations, de tout un tumulte, causé par les mauvaises nouvelles.

— Alors, c’est bien vrai, la nuit a été mauvaise, Sa Sainteté n’a pas dormi un instant… Des coliques, vous a-t-on raconté ? Mais, à son âge, rien n’est plus grave, ça peut l’emporter en deux heures… Et les médecins, que disent-ils ?

La réponse ne parvint pas à Pierre. Seulement, il comprit en entendant le cardinal reprendre :

— Oh ! les médecins, ils ne savent jamais. D’ailleurs, quand ils ne veulent plus parler, c’est que la mort n’est pas loin… Mon Dieu ! quel malheur, si la catastrophe ne peut être reculée de quelques jours !

Il se tut, et Pierre le sentit, les yeux de nouveau sur Rome, là-bas, regardant de toute son angoisse ambitieuse le dôme de Saint-Pierre, la petite tache étincelante, à peine grande comme l’ongle du petit doigt, au milieu de l’immense plaine rousse. Quel trouble, quelle agitation, si le pape était mort ! Et il aurait voulu n’avoir qu’à étendre le bras pour prendre dans le creux de sa main la Ville éternelle, la Ville sacrée, qui ne tenait pas plus de place, à l’horizon, qu’un tas de gravier, jeté là par la