Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/506

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levant les pattes très haut ; et, brusquement, elle allongea un grand coup de bec, elle troua la figue, qui saigna.

Prada, heureux comme un enfant, put lâcher l’éclat de rire qu’il avait contenu à grand'peine.

— Attention ! l’abbé, gare à vos figues !

Justement, Santobono achevait son second verre, la tête renversée, les yeux au ciel, dans une béate satisfaction. Il eut un sursaut, regarda, comprit en voyant la poule. Et ce fut tout un éclat de colère, de grands gestes, des invectives terribles. Mais la poule, qui donnait à ce moment un autre coup de bec, ne lâcha pas, piqua la figue, l’emporta, les ailes battantes, si prompte et si comique, que Prada et Pierre lui-même rirent aux larmes, devant la fureur impuissante de Santobono, qui la poursuivit un instant en la menaçant du poing.

— Voilà ce que c’est que de ne pas avoir laissé le panier dans la voiture, dit le comte. Si je ne vous avais pas prévenu, la poule mangeait tout.

Sans répondre, grondant encore de sourdes imprécations, le curé avait posé le panier sur la table ; et il souleva les feuilles rangea de nouveau les figues avec art, pour combler le trou ; puis les feuilles replacées, le mal réparé, il se calma.

Il était temps de repartir, le soleil s’abaissait à l’horizon, la nuit était proche. Aussi le comte finit-il par s’impatienter.

— Eh bien ! et ces œufs !

Et, ne voyant pas revenir la femme, il se mit à sa recherche. Il entra dans l’écurie, visita ensuite la remise. La femme ne s’y trouvait point. Alors, il passa derrière la maison, pour jeter un coup d’œil sous les hangars. Mais, là, tout d’un coup, une chose inattendue l’arrêta net. Par terre, la petite poule noire gisait foudroyée, morte. Elle n’avait au bec qu’un mince flot de sang violâtre, et qui coulait encore.

D’abord, il ne fut qu’étonné. Il se baissa, la toucha.