Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/589

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor ; lavabis me, et super nivem dealbabor.(1)

Dans un long frisson, en voyant paraître le cardinal, avec les saintes huiles, Benedetta était tombée à genoux, au pied du lit ; tandis que Pierre et Victorine, un peu en arrière, s’agenouillaient eux aussi, bouleversés par la douloureuse grandeur du spectacle. Et, de ses yeux immenses, élargis dans sa face d’une pâleur de neige, la contessina ne quittait pas du regard son Dario qu’elle ne reconnaissait plus, le visage terreux, la peau tannée et ridée ainsi que celle d’un vieillard. Et ce n’était pas pour leur mariage, accepté et désiré par lui, que leur oncle, ce tout-puissant prince de l’Église, apportait le sacrement, c’était pour la rupture suprême, la fin humaine de tout orgueil, la mort qui achève et emporte les races, comme le vent balaie la poussière des routes.

Il ne pouvait s’attarder, il récita promptement le Credo à demi-voix.

— Credo in unum Deum…(2)

— Amen, répondit don Vigilio.

Après les prières du rituel, ce dernier balbutia les litanies, pour que le ciel prît en pitié l’homme misérable qui allait comparaître devant Dieu, si un prodige de Dieu ne lui faisait pas grâce.

Alors, sans prendre le temps de se laver les doigts, le cardinal ouvrit la boîte des saintes huiles ; et, se bornant à une seule onction, comme il était permis dans le cas d’urgence, il posa, du bout de l’aiguille d’argent, une seule goutte sur la bouche desséchée, déjà flétrie par la mort.

— Per istam sanctam unctionem, et saum piissimam miserirordiam, indulgeat tibi Dominus quidquid per visum, auditum, odoratum, gustum, factum, deliquisti.(3)

Ah ! de quel cœur brûlant de foi il les prononçait, ces appels au pardon, pour que la divine miséricorde effaçât



(1) Tu m'aspergeras, Seigneur, d'hysope, et je serai pur; lave-moi et je serai purifié.

(2) Je crois en un seul Dieu…

(3) Par cette onction sainte, le Seigneur, en sa grande bonté, vous pardonne pour tout ce dont la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût ont été coupables.