Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/635

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si je ne m’étais senti comme soulevé dans le souffle ardent de votre foi et de votre enthousiasme. Ce sujet était si beau, il me passionne tant ! « La Rome Nouvelle », ah ! sans doute il y avait un livre à faire avec ce titre, mais dans un esprit totalement différent du vôtre… Vous croyez m’avoir compris, mon fils, vous être pénétré de mes écrits et de mes actes, au point de n’exprimer que mes idées les plus chères. Non, non ! vous ne m’avez pas compris, et c’est pourquoi j’ai voulu vous voir, vous expliquer, vous convaincre.

Muet et immobile, c’était maintenant Pierre qui écoutait. Il n’était cependant venu que pour se défendre, il souhaitait avec fièvre cette entrevue depuis trois mois, préparant ses arguments, certain de la victoire ; et il entendait traiter son livre de dangereux, de condamnable, sans protester, sans répondre par toutes les bonnes raisons qu’il avait crues irrésistibles. Une lassitude extraordinaire l’accablait, comme épuisé par son accès de larmes. Tout à l’heure, il serait brave, il dirait ce qu’il avait résolu de dire.

— On ne me comprend pas, on ne me comprend pas ! répétai Léon XIII, d’un air d’impatience irritée. En France surtout, c’est incroyable que j’aie tant de peine à me faire comprendre !… Le pouvoir temporel, par exemple, comment avez-vous pu croire que jamais le Saint-Siège transigera sur cette question ? C’est un langage indigne d’un prêtre, c’est la chimère d’un ignorant qui ne se rend pas compte des conditions dans lesquelles la papauté a vécu jusqu’ici et dans lesquelles elle doit continuer de vivre, si elle ne veut pas disparaître du monde. Ne voyez-vous pas le sophisme, lorsque vous la déclarez d’autant plus haute qu’elle est dégagée davantage des soucis de sa royauté terrestre ? Ah ! oui, une belle imagination, la pure royauté spirituelle, la souveraineté par la charité et l’amour ! Mais qui nous fera respecter ? Qui nous fera l’aumône d’une pierre pour reposer notre tête,