Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/646

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un peu surpris d’une si prompte victoire, Léon XIII eut une légère exclamation de contentement.

— C’est très bien, très bien, mon fils ! Vous venez de dire les seules paroles sages qui convenaient à votre caractère de prêtre.

Et, dans son évidente satisfaction, lui qui n’abandonnait jamais rien au hasard, qui préparait chacune de ses audiences, avec les mots qu’il dirait, les gestes qu’il ferait, il se détendit un peu, il montra une bonhomie véritable. Ne pouvant comprendre, se trompant sur les vrais motifs de la soumission de ce révolté, il goûtait la joie orgueilleuse de l’avoir si aisément réduit au silence, car son entourage lui avait fait de lui un portrait de révolutionnaire terrible Aussi une telle conversion le flattait-elle beaucoup.

— D’ailleurs, mon fils, je n’attendais pas moins de votre esprit distingué. Reconnaître sa faute, en faire pénitence, se soumettre, il n’y a pas de jouissance plus haute.

D’un geste familier, il avait repris sur la petite table son verre de sirop, il s’était remis, avant de le boire, à en tourner la dernière gorgée, avec la longue cuiller de vermeil. Et Pierre était surtout frappé de le retrouver, ainsi qu’au début, l’air réduit, déchu de sa majesté souveraine, pareil à un petit bourgeois très vieux qui buvait solitairement son verre d’eau sucrée, avant de se mettre au lit. La figure, après avoir grandi et rayonné, comme un astre qui monte au zénith, venait de retomber à l’horizon, au ras du sol, dans son humaine médiocrité. Il le revoyait chétif, frêle, avec son cou mince de petit oiseau malade, avec sa laideur sénile, qui le rendait si difficile pour ses portraits, toiles peintes ou photographies, médailles d’or ou bustes de marbre, disant qu’il ne fallait pas faire le papa Pecci, mais Léon XIII, le grand pape, dont il avait l’ambition de laisser à la postérité une si haute image. Et Pierre, qui avait cessé de les voir un instant, était de nouveau gêné par le mouchoir resté sur les genoux, par la soutane