Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

on dire ? Il se pencha, il demanda tout bas à don Vigilio, demeuré près de lui, muet :

— Qui est-ce, monsignor Nani ?

Mais le secrétaire ne répondit pas tout de suite. Son visage fiévreux se plomba encore. Ses yeux ardents virèrent, s’assurèrent que personne ne le surveillait. Et, dans un souffle :

— L’assesseur du Saint-Office.

Le renseignement suffisait, car Pierre n’ignorait pas que l’assesseur, qui assistait en silence aux réunions du Saint-Office, se rendait chaque mercredi soir, après la séance, chez le Saint-Père, pour lui rendre compte des affaires traitées l’après-midi. Cette audience hebdomadaire, cette heure passée avec le pape, dans une intimité qui permettait d’aborder tous les sujets, donnait au personnage une situation à part, un pouvoir considérable. Et, d’ailleurs, la fonction était cardinalice, l’assesseur ne pouvait être ensuite nommé que cardinal.

Monsignor Nani, qui semblait parfaitement simple et aimable, continuait à regarder le jeune prêtre d’un air si encourageant, que ce dernier dut aller occuper, près de lui, le siège laissé enfin libre par la vieille tante de Celia. N’était-ce pas un présage de victoire, cette rencontre, faite le premier jour, d’un prélat puissant dont influence lui ouvrirait peut-être toutes les portes. Il se sentit alors très touché, lorsque celui-ci, dès la première question, lui demanda obligeamment, d’un ton de profond intérêt :

— Alors, mon cher fils, vous avez donc publié un livre ?

Et, repris par l’enthousiasme, oubliant où il était, Pierre se livra, conta son initiation de brûlant amour au travers des souffrants et des humbles, rêva tout haut le retour à la communauté chrétienne, triompha avec le catholicisme rajeuni, devenu la religion de la démocratie universelle. Peu à peu, il avait de nouveau élevé la voix ; et le silence se faisait dans l’antique salon