Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/111

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jours par peser à cette nature puissante. Ils allaient au soleil, au grand soleil de juillet. Ils écartaient la muraille de ronces et se trouvaient au bord d’immenses champs de blé dont les vagues blondes ondulaient jusqu’à l’horizon, endormies de chaleur sous le ciel de midi. L’air brûlait. Madeleine marchait à l’aise dans cette fournaise ardente ; elle laissait voluptueusement le soleil mordre son cou et ses bras nus ; un peu pâle, le front couvert de petites gouttes de sueur, elle s’abandonnait aux caresses de l’astre. Cela, disait-elle, lui donnait de nouvelles forces quand elle était lasse ; elle se sentait mieux vivre sous le poids écrasant du ciel en flammes, que ses fortes épaules portaient légèrement. Mais Guillaume souffrait beaucoup de la chaleur ; lorsqu’elle le voyait haleter, elle l’entraînait de nouveau dans l’allée ombreuse, au bord du ruisseau clair et froid.

Et ils reprenaient alors leur promenade attendrie, goûtant un nouveau charme dans ce silence et cette fraîcheur qu’ils avaient un moment quittés. Ils arrivaient ainsi à une sorte de rotonde où ils s’arrêtaient et se reposaient d’habitude. L’allée s’élargissait, le ruisseau formait un petit lac à la surface nette comme de l’acier, la ligne des arbres s’arrondissait mollement, découvrant une large nappe de ciel. On eût dit une salle de verdure. Au bord de la flaque d’eau poussaient de grands joncs flexibles ; puis un tapis d’herbe courte s’étalait, montant de l’eau au pied des arbres, et là se perdait dans de hautes broussailles qui entouraient la clairière d’un mur impénétrable. Mais la joie de cette retraite sauvage et douce était une source qui s’échappait d’un rocher ; le bloc énorme, couvert au sommet de ronces pendantes, surplombait un peu, se creusait dans une ombre bleuâtre ; le mince filet sortait, avec des souplesses de couleuvre, du fond de cette grotte pleine de plantes grimpantes, et dont les parois suintaient d’humidité. Guillaume et Madeleine s’asseyaient là, écoutant le bruit régulier des gouttes qui tombaient une à une de la voûte ; il y avait dans ce bruit un bercement sans fin,