Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/205

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consistait en une commode ventrue, garnie de poignées de cuivre, une armoire immense, un lit singulièrement étroit pour deux personnes, une table ronde et des chaises. Au lit et aux fenêtres pendaient des rideaux de cotonnade bleue, bordés d’une guirlande de fleurs blanches. Sur le marbre nu de la commode, il y avait une pendule de verre filé, une de ces merveilles puériles que les paysans se lèguent précieusement de père en fils ; cette pendule représentait un château, percé de fenêtres, orné de galeries et de balcons ; par les fenêtres on apercevait, à l’intérieur, des boudoirs et des salons, dans lesquels de petites poupées étaient couchées sur des divans. Mais tout le luxe avait été réservé pour garnir la cheminée ; on voyait là deux bouquets de fleurs artificielles, soigneusement placés sous globe, puis une douzaine de tasses à thé dépareillées, rangées sur le bord de la tablette de plâtre, dans un ordre parfait ; entre les bouquets, au milieu, s’élevait un échafaudage singulier, une sorte de monument fait à l’aide de ces boîtes que l’on gagne dans les foires, et qui ont, sur leur couvercle, des bergères et des bergers roses ; on en comptait bien une douzaine, de formes et de grandeurs différentes, les petites sur les grandes, très habilement superposées, de façon à former une espèce de tombeau d’architecture bizarre. Les arts étaient encore représentés dans la chambre par une série d’images racontant l’histoire de Pyrame et de Thisbé ; encadrées de minces baguettes noires recouvertes de vitres criblées de nœuds verdâtres, ces images s’alignaient, au nombre de huit, le long des murailles, qu’elles tachaient de plaques jaunes, bleues et rouges ; les teintes, mises à plat, violentes et crues, relevaient singulièrement les tons blafards du papier ; la naïveté enfantine du dessin avait une saveur toute campagnarde ; au bas de chaque tableau se trouvait une longue légende, et il eût bien fallu une bonne heure si l’on avait voulu lire l’histoire entière.

Cette chambre, que l’aubergiste avait cru rendre tout à