Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle secoua la tête d’un air méprisant.

— Il ne fallait pas fuir comme des coupables. Nous aurions été forts de notre droit, de nos cinq années d’affection… Maintenant il n’est plus temps de lutter, nous sommes vaincus, notre paix est morte.

Guillaume voulut tout savoir. Il reprit :

— Que s’est-il donc passé, Madeleine ?

— Ne le devines-tu pas ? s’écria la jeune femme ; n’as-tu pas vu cette malheureuse ? Elle m’a rappelé ce passé qui m’étouffe et que je cherche vainement à oublier.

— Eh bien ! elle est partie, calme-toi. Il n’y a rien de commun entre toi et cette créature. Je t’aime.

Madeleine eut un rire bref. Elle haussa les épaules en répondant :

— Rien de commun ! J’aurais voulu que tu fusses là. Elle t’aurait dit que je me traînerais à cette heure sur le pavé de Paris, si tu ne m’y avais pas ramassée.

— Tais-toi, Madeleine, ne parle pas ainsi. Tu es mauvaise ; tu ne dois pas salir nos tendresses.

Mais la jeune femme s’excitait elle-même par les mots grossiers qu’elle sentait monter à ses lèvres. Elle s’irritait de voir son mari défendre leurs amours, elle cherchait avec colère des preuves accablantes de son infamie, pour les lui jeter à la face et l’empêcher d’essayer encore de la calmer. Elle ne trouva qu’un mot.

— J’ai vu Jacques, dit-elle.

Guillaume ne comprit pas. Il la regarda d’un air hébété.

— Il était là tout à l’heure, continua-t-elle ; il m’a tutoyée ; il a voulu m’embrasser.

Et elle fixait un regard droit sur son mari qui pâlissait. Il s’assit sur la table. Il balbutia :

— Jacques était parti.

— Eh ! non, il dort dans une chambre voisine. Je l’ai vu.

— Cet homme est donc partout ? dit alors Guillaume dans un élan de colère et d’épouvante.

— Parbleu ! répondit Madeleine avec un geste superbe