Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/108

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d’accès de colère. Plusieurs personnes furent introduites. Un ingénieur avait à lui présenter un rapport qui annonçait des bénéfices énormes dans une exploitation de mine. Un diplomate l’entretint d’un emprunt qu’une puissance voisine voulait ouvrir à Paris. Des créatures défilèrent, lui rendirent des comptes sur vingt affaires considérables. Enfin, il reçut un grand nombre de ses collègues de la Chambre ; tous se répandaient en éloges outrés sur son discours de la veille. Lui, renversé au fond de son fauteuil, acceptait cet encens, sans un sourire. Le bruit de l’or continuait dans les bureaux voisins, une trépidation d’usine faisait trembler les murs, comme si on eût fabriqué là tout cet or qui sonnait. Il n’avait qu’à prendre une plume pour expédier des dépêches dont l’arrivée aurait réjoui ou consterné les marchés de l’Europe ; il pouvait empêcher ou précipiter la guerre, en appuyant ou en combattant l’emprunt dont on lui avait parlé ; même il tenait le budget de la France dans sa main, il saurait bientôt s’il serait pour ou contre l’empire. C’était le triomphe, sa personnalité développée outre mesure devenait le centre autour duquel tournait un monde. Et il ne goûtait point ce triomphe, ainsi qu’il se l’était promis. Il