Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/123

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Dès lors, Nantas se tourmenta moins. Trois mois s’écoulèrent, il se trouvait engagé dans une grosse besogne, la préparation du budget. D’accord avec l’empereur, il avait apporté au système financier d’importantes modifications. Il savait qu’il serait vivement attaqué à la Chambre, et il lui fallait préparer une quantité considérable de documents. Souvent il veillait des nuits entières. Cela l’étourdissait et le rendait patient. Quand il voyait mademoiselle Chuin, il l’interrogeait d’une voix brève. Savait-elle quelque chose ? madame avait-elle fait beaucoup de visites ? s’était-elle particulièrement arrêtée dans certaines maisons ? Mademoiselle Chuin tenait un journal détaillé. Mais elle n’avait encore recueilli que des faits sans importance. Nantas se rassurait, tandis que la vieille clignait les yeux parfois, en répétant que, bientôt peut-être, elle aurait du nouveau.

La vérité était que mademoiselle Chuin avait fortement réfléchi. Dix mille francs ne faisaient pas son compte, il lui en fallait vingt mille, pour acheter la maison du notaire. Elle eut d’abord l’idée de se vendre à la femme, après s’être vendue au mari. Mais elle connaissait madame, elle craignit d’être chassée au premier mot. Depuis longtemps, avant même qu’on la chargeât de