Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

percevait mon œil gauche pâlissait peu à peu ; mais je me rappelais très nettement la chambre. À gauche, était la commode ; à droite, la cheminée, au milieu de laquelle une pendule détraquée, sans balancier, marquait dix heures six minutes. La fenêtre s’ouvrait sur la rue Dauphine, noire et profonde. Tout Paris passait là, et dans un tel vacarme, que j’entendais les vitres trembler.

Nous ne connaissions personne à Paris. Comme nous avions pressé notre départ, on ne m’attendait que le lundi suivant à mon administration. Depuis que j’avais dû prendre le lit, c’était une étrange sensation que cet emprisonnement dans cette chambre, où le voyage venait de nous jeter, encore effarés de quinze heures de chemin de fer, étourdis du tumulte des rues. Ma femme m’avait soigné avec sa douceur souriante ; mais je sentais combien elle était troublée. De temps à autre, elle s’approchait de la fenêtre, donnait un coup d’œil à la rue, puis revenait toute pâle, effrayée par ce grand Paris dont elle ne connaissait pas une pierre et qui grondait si terriblement. Et qu’allait elle faire, si je ne me réveillais plus ? qu’allait-elle devenir dans cette ville immense, seule, sans un soutien, ignorante de tout ?