Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/201

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— Madame, désirez-vous du vin ?… Vous passerai-je le sel, madame ?

Je me faisais poli, je prévenais ses moindres désirs, interprétant ses gestes et ses regards. Elle m’avait regardé fixement en se mettant à table, comme pour me peser d’un coup.

— Ça vous ennuie, la politique, m’a-t-elle dit enfin. Moi, elle m’assomme. Mais, que voulez-vous ? il faut bien causer. On ne cause que de ça maintenant dans le monde.

Puis, elle a sauté à un autre sujet.

— Est-ce joli, Gommerville ? Mon mari a voulu, l’été dernier, me mener chez son oncle ; mais j’ai eu peur, j’ai prétexté que j’étais malade.

— Le pays est très fertile, ai-je répondu. Il y a de belles plaines.

— Bon ! je suis fixée, a-t-elle repris en riant. C’est affreux. Un pays tout plat, des champs et encore des champs, avec le même rideau de peupliers de loin en loin.

J’ai voulu me récrier, mais elle était déjà repartie, elle discutait une loi sur l’enseignement supérieur avec son voisin de droite, homme sérieux à barbe blanche. Enfin, on a parlé théâtre. Quand elle se penchait pour répondre à une question lancée du bout de la table, l’ondulation