Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/206

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petit, la bouche fine, les joues trouées de fossettes, indiquaient une nature à la fois turbulente et réfléchie. Telle a été ma première impression. Mais, à la regarder, mon jugement s’est troublé, et je l’ai vue bientôt plus folle encore que son amie, riant plus haut.

— Est-ce que tu connais Neigeon ? m’a demandé Félix.

— Moi, pas du tout. Ma tante doit me présenter à lui.

— Oh ! un être nul, le sot parfait, a-t-il continué. C’est la médiocrité politique dans tout son épanouissement, un de ces bouche-trou si utiles sous le régime parlementaire. Comme il n’a pas deux idées à lui et que tous les chefs de cabinet peuvent l’employer, il est des combinaisons les plus contraires.

— Et sa femme ? ai-je dit.

— Sa femme, eh bien ! tu la vois. Elle est charmante… Si tu veux obtenir quelque chose de lui, fais la cour à sa femme.

Félix, d’ailleurs, affectait de ne vouloir rien ajouter. Mais, en somme, il m’a laissé entendre que madame Neigeon avait fait la fortune de son mari et qu’elle continuait de veiller à la prospérité du ménage. Tout Paris lui donnait des amants.