Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/234

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côte, et nous marchions dans une grande chaleur, muets tous les deux. Mais cet imbécile de Gaucheraud est venu troubler ce silence frissonnant, sous le ciel de flamme. Il nous avait entendus parler du conseil général, il ne m’a plus lâché, me contant l’histoire de son oncle, manœuvrant pour se faire présenter à mon père. Enfin, nous sommes arrivés au champ de courses. Ils ont trouvé les courses superbes. Moi, tout le temps, debout derrière Louise, j’ai regardé son cou délicat. Et quel adorable retour, par une brusque ondée ! Le vert de la campagne, sous la pluie, s’était attendri encore, les feuilles et la terre sentaient bon, d’une odeur d’amour. Louise avait fermé les yeux à demi, lasse et comme envahie par les voluptés du printemps.

— Rappelez-vous notre marché, m’a-t-elle dit à la gare, en montant dans sa voiture qui l’attendait. Aux Mûreaux, dans quinze jours, n’est-ce pas ?

J’ai serré la main qu’elle me tendait, et je crains même d’avoir été un peu brutal, car pour la première fois je l’ai vue grave, avec deux plis de mécontentement aux lèvres. Mais Berthe semblait toujours m’encourager à oser davantage, et Félix gardait son rire énigmatique, tandis que