Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/246

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et un petit garçon de quatre, accompagnés par une femme de chambre. Ils tendaient les bras, ils riaient ; et, dès qu’ils ont pu sauter à terre, ils ont couru se jeter dans les jupes de Louise. Elle les baisait sur les cheveux.

— À qui sont ces beaux enfants ? ai-je demandé.

— Mais ils sont à moi ! m’a-t-elle répondu, d’un air de surprise.

À elle ! Je ne saurais exprimer le coup que cette simple parole m’a porté. Il m’a semblé que, brusquement, elle m’échappait, que ces petits êtres-là creusaient de leurs mains faibles un fossé infranchissable entre elle et moi. Comment ! elle avait des enfants, et je n’en savais rien ! Je n’ai pu retenir ce cri brutal :

— Vous avez des enfants !

— Sans doute, a-t-elle dit tranquillement. Ils sont allés voir leur marraine, ce matin, à deux lieues d’ici… Permettez-moi de vous les présenter : monsieur Lucien, mademoiselle Marguerite.

Les petits me souriaient. Je devais avoir l’air stupide. Non, je ne pouvais m’habituer à l’idée qu’elle était mère. Cela dérangeait toutes mes idées. Je suis parti, la tête bourdonnante, et à cette heure encore je ne sais que penser. Je vois