Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se traînait avec un fort bruit de sabots, pareille à un troupeau débandé. Quand la procession passa sur le port, les bannières et les coiffes blanches des femmes se détachèrent au loin sur le bleu ardent de la mer ; et ce lent cortège dans le soleil prit une grande pureté.

Le cimetière attendrissait beaucoup Estelle. Elle n’aimait pas les choses tristes, d’habitude. Le jour de son arrivée, elle avait eu un frisson, en apercevant toutes ces tombes, qui se trouvaient sous sa fenêtre. L’église était sur le port, entourée des croix, dont les bras se tendaient vers l’immensité des eaux et du ciel ; et, les nuits de vent, les souffles du large pleuraient dans cette forêt de planches noires. Mais elle s’était vite habituée à ce deuil, tant le petit cimetière avait une douceur gaie. Les morts semblaient y sourire, au milieu des vivants qui les coudoyaient. Comme le cimetière était clos d’un mur bas, à hauteur d’appui, et qu’il bouchait le passage au centre même de Piriac, les gens ne se gênaient point pour enjamber le mur et suivre les allées, à peine tracées dans les hautes herbes. Les enfants jouaient là, une débandade d’enfants lâchés au travers des dalles de granit. Des chats blottis sous des arbustes bondissaient brusquement, se poursui-