Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/301

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— N’ayez pas peur, disait Hector, vous allez avoir de l’eau jusqu’à la ceinture, mais le fond remonte ensuite… Nous arrivons.

Peu à peu, ils remontèrent en effet. Ils avaient traversé un petit bras de mer, et se trouvaient maintenant sur une large plaque de rochers que le flot découvrait. Lorsque la jeune femme se retourna, elle poussa un léger cri, tant elle était loin du bord. Piriac, tout là-bas, au ras de la côte, alignait les quelques taches de ses maisons blanches et la tour carrée de son église, garnie de volets verts. Jamais elle n’avait vu une pareille étendue, rayée sous le grand soleil par l’or des sables, la verdure sombre des algues, les tons mouillés et éclatants des roches. C’était comme la fin de la terre, le champ de ruines où le néant commençait.

Estelle et Hector s’apprêtaient à donner leur premier coup de filet, quand une voix lamentable se fit entendre. M. Chabre, planté au milieu du petit bras de mer, demandait son chemin.

— Par où passe-t-on ? criait-il. Dites, est-ce tout droit ?

L’eau lui montait à la ceinture, il n’osait hasarder un pas, terrifié par la pensée qu’il pouvait tomber dans un trou et disparaître.