Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/316

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c’était, du milieu des roches, de se retourner et de retrouver toujours la mer, dont la ligne bleue reparaissait et s’élargissait entre chaque bloc, dans sa grandeur tranquille.

— Ah ! vous voilà ! cria M. Chabre du haut de la falaise. J’étais inquiet, je vous avais perdus… Dites donc, c’est effrayant, ces gouffres !

Il était à six pas du bord, prudemment, abrité par son ombrelle, son panier passé au bras. Il ajouta :

— Elle monte joliment vite, prenez garde !

— Nous avons le temps, n’ayez pas peur, répondit Hector.

Estelle, qui s’était assise, restait sans paroles devant l’immense horizon. En face d’elle, trois piliers de granit, arrondis par le flot, se dressaient, pareils aux colonnes géantes d’un temple détruit. Et, derrière, la haute mer s’étendait sous la lumière dorée de six heures, d’un bleu de roi pailleté d’or. Une petite voile, très loin, entre deux des piliers, mettait une tache d’un blanc éclatant, comme une aile de mouette rasant l’eau. Du ciel pâle, la sérénité prochaine du crépuscule tombait déjà. Jamais Estelle ne s’était sentie pénétrée d’une volupté si vaste et si tendre.