Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/337

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le jour où on irait les prendre à Versailles.

— Pourquoi n’y va-t-il pas lui-même, au lieu de pousser les autres ? disait Félicie.

Mais Damour répondait :

— Tais-toi. Je fais mon devoir. Tant pis pour ceux qui ne font pas le leur !

Un matin, vers la fin d’avril, on rapporta, rue des Envierges, Eugène sur un brancard. Il avait reçu une balle en pleine poitrine, aux Moulineaux. Comme on le montait, il expira dans l’escalier. Quand Damour rentra le soir, il trouva Félicie silencieuse auprès du cadavre de leur fils. Ce fut un coup terrible, il tomba par terre, et elle le laissa sangloter, assis contre le mur, sans rien lui dire, parce qu’elle ne trouvait rien, et que, si elle avait lâché un mot, elle aurait crié : « C’est ta faute ! » Elle avait fermé la porte du cabinet, elle ne faisait pas de bruit, de peur d’effrayer Louise. Aussi alla-t-elle voir si les sanglots du père ne réveillaient pas l’enfant. Lorsqu’il se releva, il regarda longtemps, contre la glace, une photographie d’Eugène, où le jeune homme s’était fait représenter en garde national. Il prit une plume et écrivit au bas de la carte : « Je te vengerai », avec la date et sa signature. Ce fut un soulagement. Le lendemain, un cor-