Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/361

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sieur Sagnard était là, et ayant appris que le boucher se trouvait à l’abattoir, il était entré le premier, pour brusquer les choses. Damour le suivait, étranglé, l’air imbécile.

— Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur Berru ? reprit Félicie de sa voix peu engageante.

— Ce n’est pas moi, répondit le peintre, c’est le camarade qui a quelque chose à vous dire.

Il s’était effacé, et maintenant Damour se trouvait face à face avec Félicie. Elle le regardait ; lui, affreusement gêné, souffrant une torture, baissait les yeux. D’abord, elle eut sa moue de dégoût, son calme et heureux visage exprima une répulsion pour ce vieil ivrogne, ce misérable, qui sentait la pauvreté. Mais elle le regardait toujours ; et, brusquement, sans qu’elle eût échangé un mot avec lui, elle devint blanche, étouffant un cri, lâchant la monnaie qu’elle tenait, et dont on entendit le tintement clair dans le tiroir.

— Quoi donc ? vous êtes malade ? demanda madam Vernier, qui était restée curieusement.

Félicie eut un geste de la main, pour écarter tout le monde. Elle ne pouvait parler. D’un mouvement pénible, elle s’était mise debout et marchait vers la salle à manger, au fond de la