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NANA

Rose et qui avait un béguin pour la grande Laure… Mignon a procuré Laure à Jonquier, puis il l’a ramené bras dessus bras dessous chez Rose, comme un mari auquel on vient de permettre une fredaine… Mais, cette fois, ça va rater. Nana ne doit pas rendre les hommes qu’on lui prête.

— Qu’a-t-il donc, Mignon, à regarder sévèrement sa femme ? demanda Vandeuvres.

Il se pencha, il aperçut Rose qui devenait tout à fait tendre pour Fauchery. Cela lui expliqua la colère de sa voisine. Il reprit en riant :

— Diable ! est-ce que vous êtes jalouse ?

— Jalouse ! dit Lucy furieuse. Ah bien ! si Rose a envie de Léon, je le lui donne volontiers. Pour ce qu’il vaut !… Un bouquet par semaine, et encore !… Voyez-vous, mon cher, ces filles de théâtre sont toutes les mêmes. Rose a pleuré de rage en lisant l’article de Léon sur Nana ; je le sais. Alors, vous comprenez, il lui faut aussi un article, et elle le gagne… Moi, je vais flanquer Léon à la porte, vous verrez ça !

Elle s’arrêta pour dire au garçon debout derrière elle, avec ses deux bouteilles :

— Léoville.

Puis, elle repartit, baissant la voix :

— Je ne veux pas crier, ce n’est pas mon genre… Mais c’est une fière salope tout de même. À la place de son mari, je lui allongerais une danse fameuse… Oh ! ça ne lui portera pas bonheur. Elle ne connaît pas mon Fauchery, un monsieur malpropre encore, celui-là, qui se colle aux femmes, pour faire sa position… Du joli monde !

Vandeuvres tâcha de la calmer. Bordenave, délaissé par Rose et par Lucy, se fâchait, en criant qu’on laissait mourir papa de faim et de soif. Cela produisit