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LES ROUGON-MACQUART

câlin de ses épaules, aux légers renflements voluptueux de son cou, lorsqu’elle tournait la tête. Il voyait là, près de l’oreille, un petit coin délicat, un satin qui le rendait fou. Par moments, Nana, dérangée, se rappelait ses convives, cherchant à être aimable, pour montrer qu’elle savait recevoir. Vers la fin du souper, elle était très grise ; ça la désolait, le champagne la grisait tout de suite. Alors, une idée l’exaspéra. C’était une saleté que ces dames voulaient lui faire en se conduisant mal chez elle. Oh ! elle voyait clair ! Lucy avait cligné l’œil pour pousser Foucarmont contre Labordette, tandis que Rose, Caroline et les autres excitaient ces messieurs. Maintenant, le bousin était à ne pas s’entendre, histoire de dire qu’on pouvait tout se permettre, quand on soupait chez Nana. Eh bien ! ils allaient voir. Elle avait beau être grise, elle était encore la plus chic et la plus comme il faut.

— Mon petit chat, reprit Bordenave, dis donc de servir le café ici… J’aime mieux ça, à cause de ma jambe.

Mais Nana s’était levée brutalement, en murmurant aux oreilles de Steiner et du vieux monsieur stupéfaits :

— C’est bien fait, ça m’apprendra à inviter du sale monde.

Puis, elle indiqua du geste la porte de la salle à manger, et ajouta tout haut :

— Vous savez, si vous voulez du café, il y en a là.

On quitta la table, on se poussa vers la salle à manger, sans remarquer la colère de Nana. Et il ne resta bientôt plus dans le salon que Bordenave, se tenant aux murs, avançant avec précaution, pestant contre ces sacrées femmes, qui se fichaient de papa, maintenant qu’elles étaient pleines. Derrière lui, les