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LES ROUGON-MACQUART

— Tiens ! bonsoir, dit Fontan en donnant des poignées de main à Mignon et à Fauchery qui entraient.

Le vieux Bosc lui-même tendit les doigts, pendant que les deux femmes embrassaient Mignon.

— Une belle salle, ce soir ? demanda Fauchery.

— Oh ! superbe ! répondit Prullière. Il faut voir comme ils gobent !

— Dites donc, mes enfants, fit remarquer Mignon, ça doit être à vous.

Oui, tout à l’heure. Ils n’étaient que de la quatrième scène. Seul, Bosc se leva avec l’instinct du vieux brûleur de planches qui sent venir sa réplique. Justement, l’avertisseur paraissait à la porte.

— Monsieur Bosc ! mademoiselle Simonne ! appela-t-il.

Vivement, Simonne jeta une pelisse fourrée sur ses épaules et sortit. Bosc, sans se hâter, alla chercher sa couronne, qu’il se posa au front, d’une tape ; puis, traînant son manteau, mal d’aplomb sur ses jambes, il s’en alla, grognant, de l’air fâché d’un homme qu’on dérange.

— Vous avez été bien aimable dans votre dernière chronique, reprit Fontan en s’adressant à Fauchery. Seulement, pourquoi dites-vous que les comédiens sont vaniteux ?

— Oui, mon petit, pourquoi dis-tu ça ? s’écria Mignon, qui abattit ses mains énormes sur les épaules grêles du journaliste, dont la taille plia.

Prullière et Clarisse retinrent un éclat de rire. Depuis quelque temps, tout le théâtre s’amusait d’une comédie qui se jouait dans les coulisses. Mignon, furieux du caprice de sa femme, vexé de voir ce Fauchery n’apporter au ménage qu’une publicité discutable, avait imaginé de se venger en le comblant de marques d’amitié ; chaque soir, quand