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NANA


— Oui, oui, on y va, père Barillot, répondit Fontan, ahuri.

Et, courant derrière madame Bron, il reprenait :

— Hein ? c’est entendu, six bouteilles de champagne, dans le foyer, à l’entr’acte… C’est ma fête, c’est moi qui paie…

Simonne et Clarisse s’en étaient allées, avec un grand bruit de jupes. Tout s’engouffra ; et, lorsque la porte du couloir fut retombée sourdement, on entendit, dans le silence du foyer, une nouvelle giboulée qui battait la fenêtre. Barillot, un petit vieillard blême, garçon de théâtre depuis trente ans, s’était familièrement approché de Mignon, en présentant sa tabatière ouverte. Cette prise offerte et acceptée lui donnait une minute de repos, dans ses continuelles courses à travers l’escalier et les couloirs des loges. Il y avait bien encore madame Nana, comme il la nommait ; mais celle-là n’en faisait qu’à sa tête et se fichait des amendes ; quand elle voulait manquer son entrée, elle la manquait. Il s’arrêta, étonné, murmurant :

— Tiens ! elle est prête, la voici… Elle doit savoir que le prince est arrivé.

Nana, en effet, parut dans le corridor, vêtue en Poissarde, les bras et le visage blancs, avec deux plaques roses sous les yeux. Elle n’entra pas, elle envoya simplement un signe de tête à Mignon et à Fauchery.

— Bonjour, ça va bien ?

Mignon seul serra la main qu’elle tendait. Et Nana continua son chemin, royalement, suivie par son habilleuse qui, tout en lui marchant sur les talons, se penchait pour arranger les plis de sa jupe. Puis, derrière l’habilleuse, fermant le cortège, venait Satin, tâchant d’avoir un air comme il faut et s’ennuyant déjà à crever.